Anaphylaxie et Vaccination

                                                                   

ESTIMATION DE L'ANAPHYLAXIE APRÈS LA VACCINATION
PRÉVENTION ET VACCINATION DU SUJET ALLERGIQUE
Les contre-indications à la vaccination pour le sujet allergique
Les précautions chez un sujet allergique
Les précautions dans la population générale
LES SUBSTANCES ET LES VACCINS À RISQUE

                                                                                  

Estimation de l'anaphylaxie après la vaccination

             

La revue systématique de Dudley et al., publiée en 2020, analyse les preuves scientifiques évaluant les associations causales possibles d'événements indésirables après la vaccination.[3] Cette revue met à jour le rapport de 2012 de l'Institute of Medicine et le rapport 2014 de l'Agency for Healthcare Research and Quality, rapports exhaustifs, à visée gouvernementale, dont le but principal était d'actualiser le Programme national d'indemnisation des victimes de la vaccination.

Dans cette revue, le risque d’anaphylaxie est reconnu comme un événement indésirable lié à la vaccination, grave mais rare (estimé entre 1/100 000 à 1 000 000), plus fréquemment associé avec les vaccins DTP, MMR, Influenza and anti varicelleux, avec un fort degré de certitude. L’association avec le vaccin contre HPV n’a pas été étudiée.

 

La revue systématique de Vanlander et al., publiée en 2014, analyse la survenue de l'anaphylaxie après la vaccination chez les enfants afin de dresser des recommandations sur la prévention et la prise en charge de l'anaphylaxie. Le risque d'anaphylaxie est estimé à 0,65 par million de doses [IC 95% : 0,21 à 1,53], tout vaccin confondu (selon une seule étude descriptive, dans une population de plus de deux millions d'enfants, ayant reçu 7.5 millions de doses de vaccins).[1]

L'incidence de l'anaphylaxie est plus élevée pour les vaccins ROR et HPV :

  • Pour le ROR de 1 pour 100 000 doses (basée sur une étude de cas prospective) ;

  • Pour le HPV bivalent de 1.4 par million de doses (étude de cas rétrospective) ;

  • Pour le HPV quadrivalent de 2.6 pour 100 000 doses (une étude de cas rétrospective) et de 1.7 par million de doses (une étude de cohorte).

                                                    

Les fiches d’information de l’OMS sur les fréquences des réactions post vaccinales, estiment l'incidence de l'anaphylaxie en fonction des vaccins :[7]

  • Vaccin anti-ROR (souche rougeole) : 1 à 3.5 pour un million de doses ;

  • Vaccin anti-HPV (quadrivalent) : 1.7 pour un million de doses ;

  • Vaccin antitétanique et diphtérique : 1.6 cas pour un million de doses ;

  • Vaccin anti-Hépatite B : 1.1 pour un million de doses ;

  • Vaccin antigrippal : 0.7 cas pour un million de doses ;

  • Vaccin anti-méningocoque C : 0.7 pour un million de doses ;

  • Vaccins DTCa, Hib et pneumocoques : incidences non répertoriées.

                                  

La revue de l'Institute of Medicine (IOM) des États-Unis, via le « Comittee to Review Adverse Effetcs of Vaccines », publiée en 2012, énonce les effets indésirables imputables ou non aux vaccins.[8]

Ils sont classés en 4 catégories de preuves : preuves convaincantes pour un lien de causalité (augmentation du risque importante dans les études épidémiologiques ou mécanisme physiopathologique convaincant), en faveur d'une acceptation (preuve épidémiologique modérée d'une augmentation ou mécanisme physiopathologique possible), en faveur d'un rejet, et insuffisantes pour accepter ou rejeter un lien de causalité (absence de preuve épidémiologique ou mécanisme physiopathologique peu convaincant ou inexistant).

  • Preuves convaincantes d'un lien de causalité avec l'anaphylaxie pour les vaccins contre la toxine tétanique, l'hépatite B (allergie à la levure), la grippe (allergie à l’œuf ou la gélatine), le ROR, le méningocoque.

  • Preuves en faveur d'une acceptation d'un lien de causalité avec l'anaphylaxie pour les vaccins contre le Papillomavirus humain.

  • Preuves insuffisantes pour conclure ou non à un lien de causalité avec l'anaphylaxie pour les vaccins contre la toxine diphtérique et la coqueluche.

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Prévention et vaccination du sujet allergique

                                                                                

La vaccination est rarement contre-indiquée chez les sujets allergiques : seules de rares situations sont de réelles contre-indications. Il faut rappeler qu'une personne allergique n'est pas allergique à tout. De même, une allergie grave à un vaccin ne contre-indique pas toutes les vaccinations mais seulement le vaccin auquel le sujet a réagi ou ceux contenant le composant responsable de la réaction allergique. [9]

Grâce à la purification du contenu du vaccin, les réactions allergiques graves sont rares.[6]

                                                                       

Les contre-indications à la vaccination pour le sujet allergique

Les allergies supposées, non avérées, ou les allergies chez des proches de la famille ne sont pas des contre-indications. Les contre-indications pour le sujet allergique sont : [5], [6], [10]

  • Un antécédent d'allergie grave au même vaccin administré antérieurement, ou à l'un des composants du vaccin ;

  • Pour les allergies aux antibiotiques (néomycine et streptomycine) et à la gélatine, seules les réactions anaphylactiques immédiates sont une contre-indication ;

  • Pour les personnes allergiques à l’œuf, il faut distinguer deux types de vaccins :

    • Les vaccins cultivés sur des œufs embryonnés de poule (grippe, fièvre jaune, encéphalite à tiques) sont à risque pour le sujet allergique (contre-indication en cas d'antécédent d'anaphylaxie à l'oeuf). Concernant le vaccin grippal inactivé, un antécédent de réaction allergique grave à l'œuf constitue une contre-indication selon la notice du vaccin. Cependant, l'ACIP et le CDC ont mis à jour leur recommandation en août 2018. La vaccination antigrippale est recommandée sans précaution d'administration en cas de réaction urticarienne (bénigne) à l'œuf. De plus, elle est désormais recommandée en cas d'allergie grave à l'œuf sous surveillance médicale rapprochée.[12]

    • Les vaccins cultivés sur fibroblastes de poulet (rougeole, oreillon, rubéole) pour lesquels le risque, en cas d'allergie à l'œuf, est quasi nul. 

  • Une anamnèse suggérant une réaction de type anaphylactique doit conduire à la réalisation d'un bilan allergologique. [9]

                      

En revanche, ne sont pas des contre-indications absolues : [9]

  • Une allergie non grave, à un vaccin ou un de ses composants ;

  • Une allergie, même grave, à un autre vaccin ou un des composants pour les autres vaccins (ne contenant pas le composant mis en cause).

Cependant, une surveillance médicale renforcée et des précautions supplémentaires sont recommandées.

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Les précautions chez un sujet allergique

Il est recommandé de :[6], [9]

  • Ne pas vacciner pendant une poussée évolutive d'une maladie ;

  • S'assurer de l'absence d'antécédent allergique grave à l'un des composants du vaccin ;

  • S'assurer de l'absence de réaction allergique grave au vaccin que l'on va injecter ;

  • Réaliser un bilan allergologique en cas d'anamnèse suggérant une réaction de type anaphylactique ;

  • La prescription d'un antihistaminique est recommandée par certaines institutions.

                                    

La revue systématique de Zafack et al., publiée en 2017, étudie le risque de récurrence d'un événement indésirable suivant la vaccination. 29 articles ont été inclus. Les études ont rapporté 3 types de réactions allergiques : le syndrome oculo-respiratoire, les événements de type allergique et les réactions anaphylactiques. [2]

  • Récurrence des évènements de type allergiques : dans les 8 études (594 patients) où une nouvelle vaccination est pratiquée chez des patients ayant eu un évènement allergique, le risque de récurrence de l'évènement allergique est de 5% [IC 95% : 3.3 à 6.8]. Parmi ces récurrences, il n'y a aucun cas d'anaphylaxie.

  • Récurrence de l'anaphylaxie : la ré-immunisation des sujets ayant eu une réaction anaphylactique est rapportée dans 2 études sur 133 patients et aucune récurrence d'anaphylaxie n'est rapportée après la revaccination.

  • Récurrence du syndrome oculo-respiratoire : le risque varie de 10 à 37% selon les études parmi les 4 études inclues.

                                                 

Les précautions dans la population générale

  • Rechercher à l'interrogatoire les antécédents d'allergie grave à un ancien vaccin, les allergies graves à des antibiotiques ou au latex, les allergies graves après ingestion de levures ou de gélatine.[1], [9]

  • Il est recommandé au vaccinateur d'avoir un accès facile à un kit d'urgence contenant de l'adrénaline.[1]

  • Le CDC recommande aux professionnels de santé de surveiller 15 minutes le sujet vacciné (surtout les adolescents) : les réactions anaphylactiques ont lieu dans les premières minutes et 80% des syncopes vagales (à risque de traumatisme secondaire à la chute) ont lieu dans les 15 premières minutes.[5]

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Les substances et les vaccins à risque

                                                                   

Les substances à risque

La revue systématique de Vanlander et al., citée ci-dessus, a identifié plusieurs allergènes vaccinaux :[1]

L'ovalbumine et les protéines d’œuf :

  • Les composants du vaccin ROR sont cultivés dans des cultures cellulaires de fibroblastes de poulet. Cependant, la quantité d'antigène d’œuf contenue dans le vaccin est inférieure à la quantité nécessaire pour déclencher une réaction allergique. La vaccination des enfants allergiques (sans antécédent d'anaphylaxie) à l’œuf est donc possible en soins premiers.

  • Concernant les vaccins contre la fièvre jaune et la grippe, cultivés à partir de cellules d'embryon de poulets, des traces de protéines d’œuf peuvent être retrouvées. Les enfants ayant une histoire d'allergie à l’œuf doivent recevoir le vaccin sous surveillance en permanence.

La gélatine (contenue dans le ROR et le DTCa) : le CDC conseille que les sujets ayant un antécédent d'anaphylaxie à la gélatine doivent être vaccinés avec une grande précaution.

En ce qui concerne la gélatine, la revue systématique de jiang et al., publiée en 2019, recense 49 cas d’anaphylaxie post vaccinale dans la littérature, principalement liées au vaccin ROR, mais aussi celui du zona, de la typhoïde et de la varicelle.[4] La gélatine est ajoutée aux vaccins car c'est un ingrédient peu coûteux qui permet une plus grande stabilité à la chaleur, ce qui permet la distribution des vaccins dans les pays en développement qui ne disposent pas de chaîne du froid. Des études menées par des groupes américains et finlandais ont rapporté qu’environ 27 % des enfants présentant des réactions systémiques au vaccin ROR présentaient des anticorps IgE spécifiques à la gélatine. Cette prévalence chez les enfants présentant des réactions systémiques au vaccin ROR a été signalée comme étant 92 % au Japon, ce qui suggère une possible prédisposition génétique. Des cas d'allergie à la viande rouge sont décrits dans la littérature, avec des taux significatifs de Co-sensibilisation rapportés.

Les levures : les vaccins hépatite B et le quadrivalent papillomavirus sont préparés à partir de souche de Saccharomyces Cerecisiae (levure de boulanger). Un antécédent d'anaphylaxie à la levure constitue pour le CDC une contre-indication aux vaccins en contenant.

Le latex : il est contenu dans le matériel de la seringue ou du flacon. La CDC recommande que les vaccins fournis dans des flacons ou des seringues contenant du caoutchouc naturel ne doivent pas être administrés à un sujet ayant des antécédents d'anaphylaxie au latex. Pour les allergies non anaphylactiques (allergie de contact ou aux gants en latex), ces vaccins peuvent être administrés.

Les résidus d'antibiotique (néomycine, polymyxine, streptomycine) : un antécédent d'anaphylaxie à l'un de ces antibiotiques est une contre indication aux vaccins les contenant. L'allergie de type dermatite de contact n'empêche pas la vaccination.

Les sels d'aluminium n'ont jamais été identifiés comme responsables d'anaphylaxie post-vaccinale, selon les auteurs.

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Les vaccins à risque

Se référer à la notice de chaque vaccin.

Ce tableau ne se substitue pas à la lecture de chaque notice avant l'injection d'un vaccin chez un sujet ayant un antécédent allergique grave. A titre indicatif : [1], [6], [11]

Vaccins a risque allergique

                                  

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Sources

Revues systématiques

  1. Vanlander A, Hoppenbrouwers K. Anaphylaxis after vaccination of children: review of literature and recommendations for vaccination in child and school health services in Belgium. Vaccine. 30 mai 2014;32(26):3147 54. (Prisma ●●○○ ; Amstar ●○○)

  2. Zafack JG, De Serres G, Kiely M, Gariépy M-C, Rouleau I, Top KA-M, et al. Risk of Recurrence of Adverse Events Following Immunization: A Systematic Review. Pediatrics. Sept 2017;140(3). (Prisma ●●●○ ; Amstar ●●○)

  3. Dudley MZ, Halsey NA, Omer SB, Orenstein WA, O’Leary ST, Limaye RJ, et al. The state of vaccine safety science: systematic reviews of the evidence. Lancet Infect Dis. mai 2020;20(5):e80‑9. (Prisma ●●○○ ; Amstar ●○○)

  4. Jiang Y, Yuan IH, Dutille EK, Bailey R, Shaker MS. Preventing iatrogenic gelatin anaphylaxis. Ann Allergy Asthma Immunol. oct 2019;123(4):366‑74.  (Prisma ●○○○ ; Amstar ●○○)

Littérature grise

  1. General Recommendations on Immunization [Internet]. [cité 25 mai 2022]. Disponible sur: https://www.cdc.gov/mmwr/preview/mmwrhtml/rr6002a1.htm

  2. GuideVaccinations2012_Vaccination_de_populations_specifiques.pdf [Internet]. [cité 25 mai 2022]. Disponible sur: https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Guide_des_vaccinations_edition_2012.pdf

  3. OMS | Fiches d’information de l’OMS sur les fréquences des réactions post vaccinales [Internet]. WHO. [cité 25 mai 2022]. Disponible sur: https://www.who.int/vaccine_safety/initiative/tools/Rates_Guide_FR.pdf

  4. Read « Adverse Effects of Vaccines: Evidence and Causality » at NAP.edu [Internet]. [cité 25 mai 2022]. Disponible sur: https://www.nap.edu/read/13164/chapter/1 

  5. Vaccination des personnes allergiques [internet]. [cité 25 mai 2022]. Disponible sur : http://professionnels.vaccination-info-service.fr/Aspects-pratiques/Allergies-et-autres-contre-indications/Vaccination-des-personnes-allergiques   

  6. Une allergie aux œufs est-elle une contre-indication à la vaccination ? [Internet]. [cité 25 mai 2022]. Disponible sur: http://vaccination-info-service.fr/Questions-pratiques/Je-dois-me-faire-vacciner-que-dois-je-savoir/Une-allergie-aux-oeufs-est-elle-une-contre-indication-a-la-vaccination 

  7. Mesvaccins.net [Internet]. [cité 25 mai 2022]. Disponible sur: https://www.mesvaccins.net/web/vaccines

  8. Grohskopf LA. Prevention and Control of Seasonal Influenza with Vaccines: Recommendations of the Advisory Committee on Immunization Practices—United States, 2018–19 Influenza Season. MMWR Recomm Rep [Internet]. 2018 [cité 25 mai 2022];67. Disponible sur: https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/67/rr/rr6703a1.html