Rougeole
L'AGENT PATHOGÈNE
SYMPTÔMES ET GRAVITÉ
EPIDÉMIOLOGIE
COUVERTURE VACCINALE
Agent pathogène
La rougeole est due à un virus du genre Morbillivirus de la famille des virus Paramyxoviridae. Elle se transmet surtout par voie aérienne à partir des secrétions naso-pharyngées, et plus rarement par des objets contaminés par ces sécrétions.[2] Le virus reste contagieux dans l'air jusqu'à 2h après qu'une personne quitte le lieu. [3] La durée d'incubation est de 10 à 12 jours.[6]
Le réservoir du virus est humain (on peut donc espérer éliminer la rougeole d’un pays grâce à une vaccination généralisée et à terme éradiquer la maladie à l’échelle mondiale).[2]
La rougeole est une maladie extrêmement contagieuse : sur 10 personnes non protégées exposées à la rougeole, 9 vont contracter la maladie.[3] Il n'existe pas de porteur sain, le sujet est toujours symptomatique. [9] On estime qu'un sujet contaminé peut infecter entre 15 et 20 personnes. [5] Avant la vaccination, 90% des enfants contractaient la rougeole avant l'âge de 15 ans.[10] La rougeole confère une immunité à vie. [9]
Symptômes et gravité
Symptômes
A la fin de la période d'incubation, les premiers signes de la rougeole apparaissent lors de la phase prodromique (de 4 jours) associant une forte fièvre, une toux, une rhinorrhée, une conjonctivite, un malaise général avec asthénie. Trois à quatre jours après, apparaît le rash maculo-papuleux (débutant à la face puis s'étendant sur le tronc et les membres). Associé à ce rash, le signe pathognomonique de Koplik (taches blanchâtres sur la muqueuse buccale) peut être observé. Les malades sont estimés contagieux 4 jours avant à 4 jours après le rash.[3], [8] La plupart des personnes atteintes guérissent en 2 à 3 semaines.[5]
Gravité
Dans les pays en voie de développement , la rougeole est à l’origine de complications graves et fréquentes, avec une létalité élevée entre 5 et 15 %.[2], [8]
Dans les pays industrialisés, les principales complications de la rougeole sont les otites (7 à 9 %) et les pneumopathies (1 à 6 %). Les complications neurologiques (encéphalite, cécité) surviennent entre 0.5 et 1 pour 1000 cas de rougeole (dont la plupart gardent des séquelles neurologiques). La panencéphalite sclérosante subaiguë (PESS) survient en moyenne huit ans après l’épisode aigü avec une fréquence d’environ 1/100 000 cas de rougeole. Dans ces pays, 10 à 30% des cas de rougeole sont hospitalisés et 1 à 2 cas pour 1000 cas de rougeole vont décéder d'une complication pulmonaire ou neurologique.[2], [3], [8], [10]
Les personnes à risque de complications graves sont : [3]
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Les enfants de moins de 5 ans ;
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Les adultes de plus de 20 ans ;
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Les femmes enceintes ;
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Les sujets immunodéprimés.
En France
Avant la mise en œuvre de la vaccination pour les nourrissons contre la rougeole en 1983, plus de 500 000 cas survenaient en moyenne chaque année (dont 15 à 30 décès). Au début des années quatre-vingt, entre 10 et 30 encéphalites aiguës et un nombre similaire de PESS étaient recensés. [2]
La rougeole a été surveillée par le réseau de médecins généralistes Sentinelles (unité Inserm 707) de 1986 à 2006. Depuis 2005, la rougeole est réinscrite sur la liste des maladies à déclaration obligatoire (DO).[2]
Alors qu'en 2006 et 2007 on dénombrait une quarantaine de cas chaque année, une épidémie a débuté en 2008 avec une évolution en plusieurs vagues (dont un pic en 2011 avec près de 15 000 cas). [2]
Ainsi, de 2008 à 2020, on dénombre plus de 30 000 cas de rougeoles déclarés. Parmi eux, plus de 1 700 personnes ont présenté une pneumopathie grave, 42 une complication neurologique (39 encéphalites, 1 myélite, 2 Guillain-Barré) et 26 sont décédés. [4]
Alors qu’une diminution du nombre de cas a eu lieu de 2012 à 2016, une recrudescence est constatée depuis novembre 2017, avec 2921 cas déclarés 2018 et 2636 en 2019. Lors de l’épidémie en Nouvelle-Aquitaine en 2018, 89% des cas de rougeole sont survenus chez des sujets non ou mal vaccinés.
L'incidence la plus élevée concernait des sujets de moins de 1 an (30.7 cas / 100 000 habitants). Le graphique ci-dessus représente le nombre de cas de rougeole entre 2008 et 2021. [7]
Lors des recrudescences, la plupart des décès surviennent chez des individus de moins de 30 ans présentant un déficit immunitaire congénital ou acquis. Le déplacement de la maladie vers des âges plus élevés est dû au niveau insuffisant de la couverture vaccinale et à la diminution de la circulation du virus (diminuant la probabilité de contracter la rougeole pendant l'enfance chez les non vaccinés). La proportion de cas de plus de 10 ans est passée de 13 % en 1985 à 62 % en 2002.[7] En 2010, parmi les cas pour lesquels le statut vaccinal était documenté, 3 % avaient reçu deux doses, 13 % avaient reçu une seule dose et 82 % n’étaient pas vaccinés contre la rougeole.[2]
Une revue systématique de littérature réalisée par Wilder Smith et al., publiée en mars 2020, s’est intéressée aux attitudes et croyances des parents à l'égard du vaccin contre la rougeole qui pourraient expliquer les résurgences d’épidémies de ces dernières années.[10] Elle a permis de mettre en évidence six points clés expliquant l’hésitation vaccinale : les facteurs liés au vaccin contre la rougeole, les facteurs liés à la rougeole, les facteurs liés à la confiance, les facteurs sociaux, les facteurs pratiques et les facteurs liés aux connaissances. Ces six thèmes peuvent être classés en trois catégories principales : confiance, complaisance et commodité.
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Dans la catégorie confiance, les auteurs mettent en évidence que les parents acceptant le vaccin et ceux hésitant n’utilisaient pas les mêmes sources de connaissances : le pédiatre et les professionnels de santé pour les acceptants et la couverture médiatique, internet et les informations non spécialisées pour les hésitants. Les parents hésitants se sentaient poussés à se faire vacciner par crainte d'être jugés par leurs pairs qui avaient été vaccinés. Les principales préoccupations des parents réfractaires et hésitants à la vaccination étaient la peur des effets indésirables résultant de la vaccination ROR, (notamment la relation avec l'autisme, mentionnée dans neuf des études (45%)) ainsi que des inquiétudes concernant les vaccins combinés, la peur des aiguilles et de la douleur, et le jeune âge pour l'administration du ROR.
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Dans la catégorie “complaisance”, la perception de la gravité était différente chez les parents acceptant et hésitant, ces derniers considérant la rougeole comme une maladie à faible risque et non grave. Ils préféraient le développement naturel du système immunitaire ou privilégiaient les mesures naturelles pour éviter la rougeole. D'autre part, les parents acceptants percevaient la rougeole comme grave et se sentaient responsables de protéger leur enfant et la communauté.
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Enfin, dans la catégorie commodité, l’étude retrouve que le coût n'était pas un problème car le ROR est couvert par les programmes nationaux d'immunisation, sauf pour les populations nomades.
Bien que cette étude se soit intentionnellement concentrée sur les attitudes des parents à l'égard des vaccins contre la rougeole à la lumière de la crise actuelle de la rougeole en Europe, de nombreux résultats ont été mis en parallèle avec les études systématiques sur les attitudes concernant les vaccins généraux pour enfants en Europe. La principale différence était la crainte unique du ROR et de l'autisme.
Dans le monde
En 1980, le nombre de cas rapportés était de 4 211 431 et on estimait à 2.6 millions le nombre de décès par an. Le nombre de cas rapportés en 2020 de rougeole est supérieur à 150 000. Le nombre réel est bien plus important puisque l'OMS estime que la rougeole était responsable en 2018 d’environ 140 000 décès, majoritairement chez des enfants de moins de 5 ans. [1], [10]
Aux Etats-Unis, 549 000 cas de rougeole dont 495 décès étaient rapportés en 1963 avant l'introduction de la vaccination (mais le nombre de cas réel est estimé entre 3 et 4 millions). En 2000, la rougeole a été déclarée éradiquée aux Etats-Unis. Depuis, la plupart des cas sont importés depuis l'étranger chez des individus non vaccinés. [3]
Le groupe spécial international pour l’éradication des maladies (ITFDE) a jugé que « l’éradication de la rougeole était biologiquement possible, avec les outils dont on dispose actuellement, comme cela a déjà été démontré dans les Amériques...».
En 2010, l’OMS a fixé trois objectifs à atteindre d'ici 2015 en vue de l'éradication future de la rougeole :
- Augmenter la couverture systématique par la première dose de vaccin contre la rougeole de plus de 90% au niveau national et de plus de 80% dans chaque région ;
- Réduire et maintenir l'incidence annuelle de la rougeole à moins de 5 cas par million ;
- Réduire la mortalité estimée due à la rougeole de plus de 95 % par rapport à l'estimation de 2000.
En 2012, l'OMS a fixé l’objectif d'éliminer la rougeole dans quatre de ses régions d'ici 2015 et dans cinq régions d'ici 2020.
En 2018, l'effort mondial pour améliorer la couverture vaccinale a permis de réduire de 73 % le nombre de décès. De 2000 à 2018, la vaccination contre la rougeole a permis d'éviter environ 23,2 millions de décès. Cependant, en raison d'une faible couverture à l'échelle nationale ou dans certaines communautés, de multiples régions ont été frappées par d'importantes flambées de rougeole en 2018, causant de nombreux décès. Sur la base des tendances actuelles de la couverture vaccinale et de l'incidence de la rougeole, le Groupe consultatif stratégique d'experts en vaccination (SAGE) de l'OMS a conclu que l'élimination de la rougeole est grandement menacée, et que la maladie a resurgi dans un certain nombre de pays qui étaient parvenus à l'éliminer ou qui en étaient proches. [10]
Couverture vaccinale
En France
En 2018, 90.9% des enfants de 24 mois ont reçu au moins une dose de vaccin contre la rougeole et 83.4% ont reçu les deux doses. Lors de l'année scolaire 2014-2015, 97,7% des enfants âgés de 11 ans avaient reçu une dose de vaccin et 93.2% avaient reçu 2 doses.[7]
Dans le monde
On estime qu'en 2017, 85% de la population a reçu au moins une dose de vaccin contre la rougeole et 67% deux doses.[1] En 2016, 164 pays ont inclu une seconde dose de vaccin contre la rougeole dans leur calendrier vaccinal.[4]
=> voir l'efficacité du vaccin contre la rougeole
Littérature grise
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Measles - number of reported cases [Internet]. Who.int. [cité 27 mai 2022]. Available from: https://www.who.int/data/gho/data/indicators/indicator-details/GHO/measles---number-of-reported-cases
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GuideVaccinations2012_Vaccination_contre_la_rougeole.pdf [Internet]. [cité 27 mai 2022]. Disponible sur: https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Guide_des_vaccinations_edition_2012.pdf
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Measles | For Healthcare Professionals | CDC [Internet]. [cité 27 mai 2022]. Disponible sur: https://www.cdc.gov/measles/hcp/index.html
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OMS | Couverture vaccinale [Internet]. WHO. [cité 27 mai 2022]. Disponible sur: http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs378/fr/
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Rougeole [Internet]. [cité 27 mai 2022]. Disponible sur: http://vaccination-info-service.fr/Les-maladies-et-leurs-vaccins/rougeole
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Rougeole [Internet]. [cité 25 avr 2022]. Disponible sur: https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-a-prevention-vaccinale/rougeole/la-maladie/#tabs
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Rougeole [Internet]. [cité 25 avr 2022]. Disponible sur: https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-a-prevention-vaccinale/rougeole/donnees/#tabs
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wer7914measles_April2004_position_paper.pdf [Internet]. [cité 27 mai 2022]. Disponible sur: https://apps.who.int/iris/handle/10665/232447
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wer9106.pdf [Internet]. [cité 27 mai 2022]. Disponible sur: https://apps.who.int/iris/handle/10665/254288
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WHO | Measles [Internet]. WHO. [cité 27 mai 2022]. Disponible sur: http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs286/en/
Revue systématique
11. Wilder-Smith AB, Qureshi K. Resurgence of Measles in Europe: A Systematic Review on Parental Attitudes and Beliefs of Measles Vaccine. J Epidemiol Glob Health. mars 2020;10(1):46-58. (Prisma ●●○○ / Amstar ●●○)