Epidémiologie vaccinale
Taux d'attaque et Efficacité vaccinale
Le taux d'attaque correspond à l’incidence cumulative de l’infection sur une période (notamment lors d'une épidémie). Il est utilisé pour calculer l'efficacité vaccinale (EV) : EV = 1 - (Taux d'attaque chez vaccinés / Taux d'attaque chez non vaccinés).
Lors d'une épidémie, le nombre de cas peut être plus important chez les vaccinés que chez les non vaccinés. Cela ne veut pas dire que le vaccin n'est pas efficace. Il faut comparer les taux d'attaque pour évaluer l'efficacité.
Dans une population de 1000 sujets dont 950 vaccinés et 50 non vaccinés, 44 sujets ont été infectés au cours de l'épidémie : 15 chez les non vaccinés (29% des sujets malades) et 29 chez les vaccinés (soit 66% des malades sont vaccinés). On pourrait conclure à tort que la vaccination n'est pas efficace car la plupart des sujets malades sont vaccinés. Or, si on calcule le taux d'attaque, il est de 3% chez les vaccinés et de 30% chez les non vaccinés. C'est à dire qu'on a dix fois plus de chance d'être malade si on est non vacciné que si on est vacciné. L'efficacité vaccinale est donc de 90% (EV = 1- (3/30)). Même si la plupart des sujets malades sont vaccinés, l'efficacité du vaccin reste élevée.
Evolution potentielle d’un programme de vaccination
Durant la phase pré-vaccinale, la morbi-mortalité de la maladie ciblée par la vaccination est élevée et constitue un problème de santé publique auquel est confronté la population.
Suite à l’introduction d’un vaccin efficace, l'augmentation progressive de la couverture vaccinale entraîne une baisse de l’incidence de la maladie. Parallèlement apparaissent des manifestations postvaccinales indésirables (MAPI), réelles ou perçues, à risque de devenir parfois autant voire plus fréquentes que la maladie (ou du moins ressenties comme telles par les patients). La maladie originelle ayant quasi-disparue de l’esprit du grand public, la sécurité du vaccin devient alors préoccupante dans la population, parfois largement relayée par les médias.
Cela peut entraîner une perte de confiance chez les patients, qui se traduit par une baisse de la couverture vaccinale et la réapparition de flambées épidémiques (exemple des épidémies de coqueluche survenues aux Royaume-Uni, au Japon et en Suède dans les années 1970).
L'inquiétude face à la réapparition de la maladie, ou la disponibilité d’un nouveau vaccin, peut permettre de rattrapper la couverture vaccinale initiale et réduire à nouveau l’incidence de la maladie.
Certaines maladies peuvent être éliminées d’un territoire précis, mais nécessitent de poursuivre la vaccination. D’autres peuvent être éradiquées, comme la variole en 1978, pour lesquelles la vaccination peut alors être interrompue.
Glissement épidémiologique vers des classes d'âge plus élevé
Ce phénomène survient en cas de diminution de la circulation d'un agent pathogène, sans l'éliminer complètement. C'est le cas pour les agents pathogènes touchant, avant l'ère vaccinale, les enfants de bas âge. Avant l'introduction du vaccin, la forte circulation de l'agent pathogène entraîne une forte chance d'infecter le sujet non immunisé dès son enfance. Suite à la mise en place de la vaccination et à l'augmentation de la couverture vaccinale, la circulation de l'agent pathogène devient plus faible (moins fréquente). La probabilité de rencontrer l'agent pathogène dans l'enfance diminue donc, et le patient non vacciné aura plus de risque de déclarer la maladie à un âge plus élevé qu’avant la mise en œuvre du programme de vaccination. Pour une maladie dont la gravité augmente avec l’âge de survenue, les cas seront certes moins nombreux qu’à l’ère pré-vaccinale mais plus souvent sévères.
Exemple : voir la page Oreillons
Surveillance épidémiologique des maladies à prévention vaccinale
Les maladies pour lesquelles il existe une obligation ou une recommandation vaccinale pour la population générale, font l’objet d’une surveillance épidémiologique permettant d’évaluer l’impact de la politique vaccinale et de l'adapter si besoin. Les modalités de surveillance varient en fonction de la maladie prévenue :
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La déclaration obligatoire : tétanos, diphtérie, poliomyélite, hépatite B, rougeole, rubéole
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Les réseaux de médecins sentinelles : grippe, oreillons; réseaux de laboratoires sentinelles : haemophilus de type B, pneumocoque, poliomyelite, rubéole; réseaux d'hôpitaux sentinelles : coqueluche
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Les centres nationnaux de référence : poliomyelite, diphtérie, coqueluche, Haemophilus de type B, pneumocoque, hépatite B, rougeole, oreillon, rubéole
Remplacement des sérotypes
Pour certaines maladie, la pression vaccinale va jouer un rôle similaire sur les souches non ciblées par la vaccination que la pression antibiotique sur les souches bactériennes résistantes.
Concernant la vaccination anti-pneumococcique, celle-ci a une efficacité forte sur les infections à sérotypes vaccinaux. Cependant, l'impact global de la vaccination sur l'ensemble des infections pneumococciques est plus faible à cause d'une remplacement sérotypique (avec augmentation des infections à sérotype non vaccinal).
Sous l'effet de la pression immunitaire (vaccinale) ou antibiotique, un phénomène de remplacement sérotypique se produit :
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soit par émergence de populations sous dominantes de pneumocoques, dont la fréquence va progressivement augmenter.
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soit par un phénomène de switch capsulaire : des pneumocoques de sérotypes différents échangent leurs matériels génétiques capsulaires et donc leurs facteurs de virulence et de résistance. Le risque étant que les sérotypes vaccinaux résistants aux antibiotiques (actuellement moins représentés grâce à la vaccination) échangent leur gêne capsulaire pour devenir des sérotypes non inclus dans le vaccin. Des sérotypes actuellement sensibles risqueraient de devenir résistants. Cette éventualité est surveillée par le sérotypage des souches responsables des cas de méningites et l'étude de leur sensibilité aux antibiotiques.
Voir la page Efficacité du Vaccin contre Streptococcus Pneumoniae
Taux de reproduction R0
Le taux de reproduction de base (R0) d’une infection est le nombre de personnes saines infectées par un patient au cours de sa période infectieuse. Il se calcule par le : nombre de contact par unité de temps X probabilité de transmission de l'agent infectieux X durée de la période contagieuse.
Seuil d'immunité de groupe
Il correspond au pourcentage de la population qui devra être immunisée (par une infection passée ou par la vaccination) pour éliminer la maladie. Seuil d'immunité de groupe = 1 - (1/R0).
Ainsi pour une maladie très contagieuse comme la rougeole (avec un R0 estimé à environ 15 à 20), il faudrait environ 95% de sujets immunisés pour éliminer la maladie.
Coïncidence ou causalité
Un événement indésirable faisant suite à une vaccination (MAPI = manifestation post-vaccinale indésirable) peut être :
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Soit une manifestation due au vaccin ou à l'acte vaccinale:
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Liée au produit vaccinal ;
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Liée à un défaut de qualité du vaccin ;
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Liée à une erreur d'administration ;
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Liée à l'anxiété déclenchée par l'acte vaccinal ;
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Soit une manifestation liée à un autre facteur (extérieur à la vaccination) survenue à la suite de la vaccination par coïncidence.
Ainsi, en pharmacovigilance, tout événément qualifié d'indésirable ne préjuge pas de son lien causal avec le vaccin.
Pour juger du caractère causal ou non d'un événement indésirable, plusieurs points doivent être étudiés :
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L'existence d'une "relation temporelle" entre l'événement indésirable et la vaccination (la vaccination précède t-elle la survenue de l'événement indésirable et dans quel délai ?) ;
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L'existence d'un ou plusieurs facteurs extérieurs pouvant expliquer la survenue de cet événement indésirable (principe de "spécificité" = l'association entre le vaccin et la MAPI doit être unique) ;
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L'existence d'une relation forte entre le vaccin et la MAPI voir d'une relation dose-effet, avec des preuves cliniques ou biologiques (principe de "force de l'association").
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Cet événement indésirable a t-il déja été décrit précédemment (dans les essais cliniques, les bases de pharmacovigilance, etc.) par d'autres investigateurs d'autres localisations géographiques ? (principe de "cohérence" : )
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L'événement indésirable survient t-il à un taux supérieur à celui attendu dans la population vaccinée ?
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L'existence ou non d'un mécanisme physiopathologique pouvant étayer cette association (principe de "plausibilité biologique").
En fonction des données, la MAPI sera classée : En "lien de causalité probable avec la vaccination", en "lien indéterminée", ou en "lien avec la vaccination improbable (coïncidence)".
Cf. la page sur les méthodes de surveillance, les effets indésirables des vaccins
"Eradication" et "élimination" d'une maladie
L'éradication correspond à la réduction totale et permanente de la maladie au niveau mondial, suite à des efforts délibérés. Ainsi, aucun nouveau cas n'apparait désormais. Une maladie éradiquée ne nécessite donc aucune autre mesure de lutte. C'est par exemplele cas de la variole qui a été éradiquée en 1979.
L'élimination correspond à une réduction totale ou quasi-totale (taux égal à zéro ou très faible) des nouveaux cas de la maladie dans une zone géographique spécifique. Elle nécessite donc la poursuite des mesures de lutte afin d'éviter la réapparition de la transmission de la maladie.